Si longtemps le QI était considéré comme la composante essentielle d’une vie « intelligente » et donc réussie, les études modernes tendent à minorer son rôle. S’il reste une pierre angulaire du succès, d’autres éléments sont désormais mis en avant. Parmi eux le Quotient Emotionnel a le vent en poupe.
Mais le débat fait encore rage.
Alors donc, au final, qui du QI ou du QE prime ?
Qu’est-ce qui est le plus important pour déterminer la réussite dans la vie – la capacité à capter, traiter et organiser des informations ou la capacité à faire preuve de “bon sens” ? Cette question est au cœur d’un important débat opposant l’importance relative de l’intelligence cognitive (mesurée par le Quotient Intellectuel ou QI) et de l’intelligence émotionnelle (mesuré par le Quotient Émotionnel ou QE).
Les partisans de ce que l’on pourrait appeler « l’intelligence de traitement » pourraient suggérer que le QI joue le rôle le plus important dans la réussite d’une personne dans la vie. Ceux qui défendent l’importance de ce que l’on pourrait appeler « le bon sens » suggèrent au contraire que le QE est encore plus important.
Alors, lequel des deux est le plus important ?
Comprendre le débat sur le QI et le QE
Dans son livre Emotional Intelligence, l’auteur et psychologue Daniel Goleman suggère que le QE (ou quotient intellectuel émotionnel) pourrait en fait être plus important que le QI. Pourquoi ? Certains psychologues pensent que les mesures standard de l’intelligence (c’est-à-dire les scores de QI) sont trop étroites et n’englobent pas toute la gamme de l’intelligence humaine.
Le psychologue Howard Gardner, par exemple, a suggéré que l’intelligence n’est pas simplement une capacité générale unique. Il suggère plutôt qu’il existe en fait de multiples intelligences et que les gens peuvent avoir des forces dans un certain nombre de ces domaines.
Au lieu de se concentrer sur une seule intelligence générale, généralement appelée facteur g, certains experts pensent que la capacité à comprendre et à exprimer ses émotions peut jouer un rôle égal, voire plus important, dans la façon dont les gens se débrouillent dans la vie.
La différence entre le QI et le QE
Comment le QI et le QE sont-ils mesurés et testés ?
Le quotient intellectuel, ou QI, est un chiffre obtenu à partir d’un test d’intelligence standardisé, comme par exemple les tests de wechsler. Dans les premiers tests de QI, les scores étaient calculés en divisant l’âge mental (défini par les réponses données au test de QI) de la personne par son âge chronologique, puis en multipliant ce chiffre par 100.
Ainsi, un enfant ayant un âge mental de 15 ans et un âge chronologique de 10 ans aurait un QI de 150. Aujourd’hui, les scores de la plupart des tests de QI sont calculés en comparant le score du candidat au score moyen d’autres personnes du même groupe d’âge. Le QI représente des capacités telles que :
- le traitement visuel et spatial
- la connaissance du monde
- Raisonnement fluide
- la mémoire de travail et la mémoire à court terme
- le raisonnement quantitatif.
L’intelligence émotionnelle fait référence à la capacité d’une personne à percevoir, contrôler, évaluer et exprimer ses émotions. Des chercheurs comme John Mayer et Peter Salovey, ainsi que des auteurs comme Daniel Goleman, ont contribué à mettre en lumière l’intelligence émotionnelle, ce qui en a fait un sujet brûlant dans des domaines allant de la gestion d’entreprise à l’éducation.2 Le QE est centré sur des capacités telles que :
- Identifier les émotions
- Évaluer les sentiments des autres
- Contrôler ses propres émotions
- Percevoir les sentiments des autres
- Utiliser les émotions pour faciliter la communication sociale
- La qualité des relations aux autres
Depuis les années 1990, l’intelligence émotionnelle est passée d’un concept semi-obscur que l’on trouvait dans les revues universitaires à un terme populaire. Il est désormais possible d’acheter des jouets qui prétendent aider à stimuler l’intelligence émotionnelle ou d’inscrire les enfants à des programmes d’apprentissage socio-émotionnel conçus pour enseigner les compétences en matière d’intelligence émotionnelle. De plus, si on regarde à l’étranger, aux États-Unis par exemple, l’apprentissage social et émotionnel est même une exigence du programme scolaire.
Alors bon, lequel prime sur l’autre ?
À une certaine époque, le QI était considéré comme le principal facteur déterminant la réussite. Les chercheurs se demandaient si l’intelligence était le produit des gènes ou de l’environnement (ce bon vieux débat sur la nature et l’éducation qui faisait temps rage aux temps des Lumières).
Cependant, certains critiques ont commencé à réaliser qu’une intelligence élevée n’était pas une garantie de réussite dans la vie. Il s’agissait peut-être aussi d’un concept trop étroit pour englober le large éventail des capacités et des connaissances humaines.
Si généralement il y a unanimité pour affirmer que le QI est un des éléments importants de la réussite; cette unanimité s’effrite quand il s’agit d’affirmer que c’est l’élément primordial. En effet, il est notamment important en ce qui concerne les résultats scolaires. Les personnes ayant un QI élevé réussissent généralement bien à l’école, gagnent souvent plus d’argent et ont tendance à être en meilleure santé en général. Mais la question est de savoir si ceux-ci “réussissent” mieux dans la vie uniquement grâce à leur QI ou parce qu’ils ont et le QI et quelque chose d’autre. Si le QI seul expliquait cette réussite, alors tous les QI supérieurs devraient mieux réussir. Or non, les études montrent généralement que si en moyenne le taux de réussite est plus important chez les QI élevés; cette moyenne cache des disparités très importantes au niveau individuel.
En conséquence, les experts reconnaissent aujourd’hui que le QI n’est pas le seul déterminant de la réussite dans la vie. Il fait plutôt partie d’un ensemble complexe d’influences, parmi lesquelles se retrouve l’intelligence émotionnelle.
Et d’ailleurs, c’est à ce titre que de nombreuses entreprises rendent désormais obligatoire la formation à l’intelligence émotionnelle (via les formations en management par exemple) et/ou utilisent des tests de QE dans le cadre du processus d’embauche.
Des recherches ont montré que les personnes ayant un fort potentiel de leadership ont également tendance à être plus intelligentes sur le plan émotionnel, ce qui suggère qu’un QE élevé est une qualité importante pour les dirigeants et les gestionnaires d’entreprise.
Par exemple, une compagnie d’assurance (américaine bien sûr !) a découvert que le QE pouvait jouer un rôle essentiel dans la réussite des ventes. Les agents commerciaux qui étaient moins bien classés en termes d’intelligence émotionnelle, comme l’empathie, l’initiative et la confiance en soi, vendaient des polices dont la prime moyenne était de 54 000 dollars. Les agents qui se classaient bien dans les mesures du QE vendaient des polices d’une valeur moyenne de 114 000 $.
Les capacités émotionnelles peuvent également influencer les choix que font les consommateurs lorsqu’ils sont confrontés à des décisions d’achat. Le psychologue Daniel Kahneman, lauréat du prix Nobel, a constaté que les gens préfèrent traiter avec une personne en qui ils ont confiance et qu’ils apprécient plutôt qu’avec une personne qu’ils n’apprécient pas, même si cela implique de payer plus cher pour un produit.
L’intelligence émotionnelle peut-elle s’apprendre ?
Si l’intelligence émotionnelle est si importante, peut-elle être enseignée ou renforcée ? Selon une méta-analyse américaine (je parle souvent des états unis décidément; mais force est de constater qu’ils sont bien plus en avance que nous dans ce domaine) qui a examiné les résultats des programmes d’apprentissage social et émotionnel, la réponse à cette question est un oui sans équivoque.
L’étude a révélé qu’environ 50 % des enfants américains inscrits à des programmes d’apprentissage social et émotionnel obtenaient de meilleurs résultats et que près de 40 % d’entre eux avaient une meilleure moyenne scolaire. Ces programmes étaient également liés à une diminution des taux de suspension, à une augmentation de la fréquentation scolaire et à une réduction des problèmes disciplinaires.
Les stratégies d’enseignement de l’intelligence émotionnelle comprennent l’éducation à la maîtrise de soi (notamment en apprenant à mieux connaître son caractère et ses réactions instinctives), la modélisation de comportements positifs (aider l’enfant à concevoir un comportement bien pour se créer son modèle de vie), la recherche de moyens d’être plus empathique envers les autres (prendre le réflexe de penser aux sentiments des autres lorsque l’on communique avec eux).
En conclusion, “science sans conscience n’est que ruine de l’âme”
Vous connaissez peut être cette citation de Rabelais : “Sapience n’entre point en âme malivole, et science sans conscience n’est que ruine de l’âme”
Pour traduire cette citation, Sapience signifie sagesse. La science, dans ce cas-ci, se traduit par savoir. La conscience est la compréhension. L’adjectif malivole veut dire mauvaise, malveillante. Ce que Rabelais nous dit, c’est que le savoir ou la capacité à traiter des informations n’est rien sans sagesse ou la capacité à traiter mais aussi interpréter les informations.
La réussite dans la vie est donc le résultat de nombreux facteurs. Le QI et le QE jouent tous deux un rôle dans la réussite globale, ainsi que dans la santé, le bien-être et le bonheur. E’ailleurs alors que le terme HPI – faisant référence aux surdoués mesurés par leur QI – était jusque récemment le seul pour définir un surdoué; certains avancent désormais la notion de Haut Potentiel Emotionnel ou HPE – sorte de surdoués mesurés par leur QE.
Plutôt que de se concentrer sur les facteurs qui ont une influence dominante, le plus grand bénéfice peut résider dans l’apprentissage de l’amélioration des compétences dans plusieurs domaines. Outre le renforcement des capacités cognitives, telles que la mémoire et la concentration mentale, vous pouvez également acquérir et améliorer des compétences sociales et émotionnelles.