Qu’est ce qu’être intelligent ? Une définition de l’intelligence

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La définition de l’intelligence a été un sujet controversé tout au long de l’histoire de la psychologie. Malgré l’intérêt considérable que suscite le sujet, il existe encore des désaccords importants tant sur la définition de l’intelligence que sur la manière de la mesurer.
Au fil des ans, l’intelligence a été définie, redéfinie, résumée et définie à nouveau. Il fut même écrit un article intitulé « Les définitions collectives de l’intelligence » qui comprenait environ soixante-dix définitions ou interprétations différentes de l’intelligence.
Soixante-dix (70) ! 

Mais rassurez vous cet article n’a pas pour vocation d’en faire la typologie ! Au contraire, je vais tenter de faire simple en ne restituant ici que les 4 principales théories qui représentent 4 approches pas toujours contradictoires de la définition de l’intelligence. Alors si vous êtes toujours avec moi; embarquons nous dans une réponse la moins bête possible à la question « qu’est ce que l’intelligence ? ».

Définition de l’intelligence : synthèse

Aptitude générale ou compétences spécifiques ? Certains chercheurs soutiennent que l’intelligence est une aptitude générale, tandis que d’autres affirment que l’intelligence comprend des compétences et des talents spécifiques. Les psychologues affirment que l’intelligence est génétique, ou héritée, tandis que d’autres prétendent qu’elle est largement influencée par le milieu environnant.

En conséquence il n’existe pas vraiment de définition unique ou unifiée de ce qu’est l’intelligence. Il s’agit plutôt d’un faisceau de caractéristiques qui construisent ce qu’est l’intelligence. Cependant dans les différents travaux, certains se démarquent plus particulièrement et en voici la liste.

Définition : l’intelligence générale (g) de Spearman

L’intelligence générale, également connue sous le nom de “facteur g”, désigne une aptitude mentale générale constituées de multiples compétences spécifiques, notamment verbales, spatiales, numériques et mécaniques.
Charles Spearman, un psychologue anglais, a établi la théorie des deux facteurs de l’intelligence en 1904 (Spearman, 1904). Pour parvenir à cette théorie, Spearman a utilisé une technique connue sous le nom d’analyse factorielle.

L’analyse factorielle est une procédure par laquelle on évalue la corrélation de variables liées entre elles afin de trouver un facteur sous-jacent qui explique cette corrélation.
Dans le cas de l’intelligence, Spearman a remarqué que ceux qui réussissaient bien dans un domaine des tests d’intelligence (par exemple, les mathématiques), réussissaient également bien dans d’autres domaines (comme la distinction des rythmes ; Kalat, 2014).

En d’autres termes, il existait une forte corrélation entre les performances en mathématiques et en musique, et Spearman a ensuite attribué cette relation à un facteur central, celui de l’intelligence générale (g).

Spearman a conclu qu’il existe un seul facteur g qui représente l’intelligence générale d’un individu à travers de multiples capacités, et qu’un second groupe – résumé sous le nom de facteur s, fait référence à l’aptitude spécifique d’un individu dans un domaine particulier (Spearman, cité dans Thomson, 1947). Ainsi G procède des différentes performances des S ou en d’autres termes l’intelligence générale procède de la performance moyenne dans un ensemble d’aptitudes spécifiques.

Bon à savoir :

Si vous voulez être incollable sur la mesure de l’intelligence, nous avons un dossier spécial sur les tests de QI rien que pour vous !
N’hésitez pas, par exemple, a consulter notre dossier sur les tests de Wechsler qui sont aujourd’hui la référence en France !

Les aptitudes mentales primaires de Thurstone

Thurstone (1938) a remis en question le concept d’un facteur  » g « . Après avoir analysé les données de 56 tests différents de capacités mentales, il a identifié un certain nombre de capacités mentales primaires qui composent l’intelligence, par opposition à un facteur général. Ainsi il liste un certain nombre de caractéristiques de l’intelligence

Les sept aptitudes mentales primaires du modèle de Thurstone (Thurstone, cité dans Sternberg, 2003) sont 

  • la compréhension verbale
  • la fluidité verbale
  • la facilité avec les chiffres
  • la visualisation spatiale
  • la vitesse de perception
  • la mémoire et le raisonnement inductif 

Les caractéristiques de l’intelligence selon Thurstone :

Aptitudes Mentales Description 
Maîtrise des mots Capacité à utiliser les mots rapidement et à effectuer avec aisance des tâches telles que faire des rimes, résoudre des anagrammes et faire des mots croisés.
Compréhension verbale Capacité à comprendre le sens des mots, des concepts et des idées.
Aptitude numérique  Capacité à utiliser des chiffres pour trouver rapidement des réponses informatiques à des problèmes.
Visualisation spatiale Capacité à visualiser et à manipuler des motifs et des formes dans l’espace.
Vitesse de perception  Capacité à saisir les détails perceptifs rapidement et avec précision et à déterminer les similitudes et les différences entre les stimuli.
Mémoire  Capacité à se souvenir d’informations telles que des listes ou des mots, des formules mathématiques et des définitions.
Raisonnement inductif  Capacité à déduire des règles et des principes généraux à partir d’informations présentées.

Bien que Thurstone n’ait pas rejeté complètement l’idée de Spearman d’une intelligence générale, il a plutôt théorisé que l’intelligence se compose à la fois d’une capacité générale et d’un certain nombre de capacités spécifiques, ouvrant ainsi la voie à de futures recherches sur les différentes formes d’intelligence.

Les intelligences multiples de Gardner : la définition de l’intelligence repose sur sept intelligences différentes

À la suite des travaux de Thurstone, le psychologue américain Howard Gardner s’est appuyé sur l’idée qu’il existe de multiples formes d’intelligence.
Il a proposé qu’il n’y ait pas une seule intelligence, mais plutôt des intelligences multiples distinctes et indépendantes, chacune représentant des compétences et des talents uniques pertinents pour une certaine catégorie.
Gardner (1983, 1987) a initialement proposé sept intelligences multiples : 

  • L’intelligence corporelle et kinesthésique : La capacité à contrôler les mouvements de son corps et à manipuler des objets avec habileté.
  • L’intelligence interpersonnelle : La capacité de détecter les humeurs, les motivations et les désirs d’autrui et d’y répondre de manière appropriée.
  • L’intelligence intrapersonnelle : La capacité d’avoir conscience de soi et d’être en phase avec ses sentiments, ses valeurs, ses croyances et ses processus de réflexion internes.
  • Intelligence logico-mathématique : La capacité de penser de manière conceptuelle et abstraite, et la capacité à discerner des modèles logiques ou numériques.
  • Intelligence musicale : La capacité à produire et à apprécier le rythme, la hauteur et le timbre.
  • Intelligence naturaliste : La capacité à reconnaître et classer les animaux, les plantes et d’autres objets dans la nature.
  • Intelligence verbale et linguistique : Aptitudes verbales bien développées et sensibilité aux intonations, aux significations et aux rythmes des mots.
  • Intelligence visuo-spatiale : La capacité de penser en images et en photos, de visualiser de manière précise et abstraite.

Gardner soutient que la plupart des activités (comme la danse) font appel à une combinaison de ces intelligences multiples (comme les intelligences spatiale et corporelle-kinesthésique). Il suggère également que ces intelligences multiples peuvent nous aider à comprendre des concepts au-delà de l’intelligence, comme la créativité et le leadership.
Et bien que cette théorie ait largement capté l’attention de la communauté des psychologues et du grand public, elle a ses défauts.
Il y a eu peu d’études empiriques qui ont réellement testé cette théorie, et cette théorie ne tient pas compte d’autres types d’intelligence que ceux énumérés par Gardner (Sternberg, 2003).

Sternberg donne 3 familles de caractéristiques à l’intelligence

À peine deux ans plus tard, en 1985, Robert Sternberg a proposé une théorie de l’intelligence en trois catégories, intégrant les composantes qui faisaient défaut à la théorie de Gardner. Cette théorie est basée sur la définition de l’intelligence comme étant la capacité de réussir en fonction de ses aptitudes personnelles et de son contexte socioculturel.
Selon la théorie triarchique, l’intelligence comporte trois aspects (Sternberg, 1985) : 

  • analytique, 
  • créatif 
  • pratique.

L’intelligence analytique, également appelée intelligence componentielle, désigne l’intelligence appliquée à l’analyse ou à l’évaluation de problèmes et à la recherche de solutions. C’est ce que mesure un test de QI traditionnel comme les matrices de raven.

L’intelligence créative est la capacité à aller au-delà de ce qui est donné pour créer des idées nouvelles et intéressantes. Ce type d’intelligence implique l’imagination, l’innovation et la résolution de problèmes.

L’intelligence pratique est la capacité que les individus utilisent pour résoudre les problèmes rencontrés dans la vie quotidienne, lorsqu’une personne trouve la meilleure adéquation entre elle-même et les exigences de l’environnement. Pour s’adapter aux exigences de l’environnement, il faut soit utiliser les connaissances acquises par l’expérience pour se modifier délibérément en fonction de l’environnement (adaptation), soit modifier l’environnement en fonction de soi (façonnage), soit trouver un nouvel environnement dans lequel travailler (sélection).

Pour une définition exhaustive : autres types d’intelligence

Après avoir examiné les théories concurrentes les plus populaires sur l’intelligence, il apparaît clairement qu’il existe de nombreuses formes différentes de ce concept apparemment simple.
D’une part, Spearman affirme que l’intelligence est généralisable à de nombreux domaines de la vie, et d’autre part, des psychologues tels que Thurstone, Gardener et Sternberg soutiennent que l’intelligence est comme un arbre avec de nombreuses branches différentes, chacune représentant une forme spécifique d’intelligence.
Pour rendre les choses encore plus intéressantes, ajoutons quelques autres types d’intelligence à la liste !

L’intelligence émotionnelle

L’intelligence émotionnelle est la « capacité à percevoir ses propres émotions et celles des autres, de distinguer les différentes émotions et de les étiqueter de manière appropriée, et d’utiliser les informations émotionnelles pour guider la pensée et le comportement » (Salovey et Mayer, 1990). J’ai écrit récemment un article complet dédié à l’intelligence émotionnelle ainsi qu’un autre qui pose la question de l’importance comparée du Quotient Intellectuel et du Quotient Emotionnel dans ce que l’on considère « être intelligent »

L’intelligence émotionnelle est importante dans notre vie de tous les jours, puisque nous ressentons une émotion ou une autre presque à chaque seconde de notre vie. Vous n’associez peut-être pas les émotions et l’intelligence, mais en réalité, elles sont très liées.

L’intelligence émotionnelle fait référence à la capacité de reconnaître la signification des émotions et de raisonner et résoudre des problèmes sur la base de celles-ci (Mayer, Caruso, & Salovey, 1999). Les quatre composantes clés de l’intelligence émotionnelle sont

  • La conscience de soi, 
  • La gestion de soi,
  • La conscience sociale 
  • La gestion des relations.

En d’autres termes, si vous avez un niveau d’intelligence émotionnelle élevé, vous pouvez percevoir avec précision les émotions chez vous et chez les autres (comme lire les expressions faciales), utiliser les émotions pour faciliter la réflexion, comprendre la signification de vos émotions (pourquoi vous sentez-vous ainsi ?) et savoir comment gérer vos émotions (Salovey & Mayer, 1990).

Comprendre les caractéristiques de l’intelligence : Intelligence fluide ou cristallisée

Raymond Cattell (1963) a été le premier à proposer les concepts d’intelligence fluide et cristallisée et a approfondi la théorie avec John Horn. La théorie de Cattell-Horn (1966) sur l’intelligence fluide et cristallisée suggère que l’intelligence est composée d’un certain nombre de capacités différentes qui interagissent et travaillent ensemble pour produire une intelligence individuelle globale.

L’intelligence fluide est la capacité de résoudre des problèmes dans des situations nouvelles sans se référer à des connaissances préalables, mais plutôt en utilisant la logique et la pensée abstraite. L’intelligence fluide peut être appliquée à tout problème nouveau, car aucune connaissance préalable spécifique n’est requise (Cattell, 1963). En grandissant, l’intelligence fluide augmente, puis commence à diminuer vers la trentaine..

L’intelligence cristallisée fait référence à l’utilisation de connaissances acquises antérieurement, comme des faits spécifiques appris à l’école ou des habiletés motrices spécifiques ou la mémoire musculaire (Cattell, 1963). L’intelligence cristallisée augmente à mesure que l’on vieillit et que l’on accumule des connaissances.

Par exemple, si vous passez un test de mathématiques difficile, vous comptez sur votre intelligence cristallisée pour traiter les chiffres et la signification des questions, mais vous pouvez faire appel à l’intelligence fluide pour résoudre le nouveau problème et trouver la bonne solution. Il est également possible que l’intelligence fluide devienne une intelligence cristallisée.

Les solutions nouvelles que vous créez en vous appuyant sur l’intelligence fluide peuvent, avec le temps, se transformer en intelligence cristallisée après avoir été incorporées dans la mémoire à long terme.
Cela illustre certaines des façons dont les différentes formes d’intelligence se chevauchent et interagissent les unes avec les autres, révélant sa nature dynamique.

La définition de l’intelligence reste relative et subjective.

Cela pourra avoir été une surprise pour certains, mais je pense qu’a ce stade tout le monde aura compris que l’intelligence est jugée de manière subjective. Cela peut poser des problèmes en cas de conflit. Le génie d’une personne étant l’individu moyen d’une autre personne. L’intelligence se mesure à l’aune des personnes qui vous entourent, mais aussi de votre propre connaissance du monde. 

Prenons le cas d’un professeur charismatique. Il sera idolâtré par les jeunes élèves qui pensent qu’il sait tout ce qu’il y a à savoir… Pour autant qu’ils le sachent, le professeur sait tout ! Malheureusement, dès qu’ils atteignent l’âge de vingt ans – et qu’ils commencent à avoir un niveau “adulte” de culture générale –  ces mêmes élèves se demanderont comment ce prof arrive à rassembler assez de neurones pour boutonner seul sa chemise….

L’orgueil peut également jouer un rôle dans la mesure de l’intelligence. Grand-mère considère que son petit-fils de trois ans est le plus intelligent de l’histoire pour avoir réussi à souffler les bougies sans postillonner sur le gâteau d’anniversaire Bob l’éponge. Et pourtant, à chaque fois que ce même petit génie de trois ans frappe la tête de maman avec un jouet, son niveau d’intelligence perçu diminue tandis que la pression sanguine de maman augmente.

Tous égaux devant l’intelligence ?

La courbe de Bell : le fantasme d’une intelligence “donnée”

De nombreuses idées sur l’intelligence ont été avancées en 1994 lors de la publication du livre “The Bell Curve”. Ce livre a été écrit par un professeur de psychologie de Harvard, Richard Hernstein, et un politologue, Charles Murray. Bien que controversé par de nombreux chercheurs, le livre a connu une popularité fulgurante.

Les conclusions tirées de ce livre sont que l’intelligence est simplement génétique, que les tests de QI sont précis et que le QI d’un individu n’est pas affecté par les conditions de vie, l’éducation ou l’environnement. Les points que le livre a également réussi à faire passer sont que les différences de QI entre les ethnies ou les nationalités sont également génétiques, et que les influences extérieures, éducatives ou autres, n’affectent pas le QI d’une personne, ni même l’écart de QI entre les différentes origines.

Mais à ce stade, pas besoin de mettre les œuvres complètes de Bourdieu à la poubelle. Non vraiment pas, car toutes ces conclusions ont été analysées et retravaillées pour mettre en lumière comment les influences extérieures affectent l’intelligence d’un individu. Car si l’environnement socio-culturel ne faisait pas de différence, il n’y aurait plus aucun intérêt à lancer des programmes spécifiques aux élèves des zones défavorisées. Autant dire que beaucoup étaient très motivés pour démonter cette cloche de Bell !

Le concept d’intelligence héritée : une demie vérité

Si une tendance est donc de croire que « l’intelligence engendre l’intelligence » de manière naturelle, on peut légitimement douter que ce soit vrai. 

L’intelligence peut être génétique – bien sûr et les surdoués en sont une preuve. La meilleure preuve réside dans ces établissements élitistes et onéreux : des parents qui ont réussi y mettent des enfants qui réussiront. Quelle meilleure preuve que l’intelligence est héréditaire et parfaitement génétique ?

En fait, si l’on voit souvent des parents intelligents et bien éduqués avoir des enfants « intelligents » et bien éduqués, on pourrait arguer qu’il s’agit tout autant d’influences environnementales que génétiques. Les parents qui sont allés à l’université et qui étaient motivés sur le plan scolaire sont plus susceptibles de faire de même pour leurs propres enfants. L’inverse est également vrai, bien que de nombreux parents travaillent dur pour que leurs enfants puissent bénéficier de l’ascenseur social.
De même quand vous êtes habitués depuis vos sept ans à parler économie et philosophie, il y a de fortes chances que cela stimule plus votre intellect que de passer des heures devant Bob l’Éponge ou mieux encore, les lapins crétins.

Alors on peut ressortir Bourdieu de la poubelle : l’intelligence procède aussi d’un schéma de reproduction sociale. En cela, elle est effectivement souvent héritée.

La situation socio-économique; une cause de disparité de QI

Les disparités peuvent souvent être simplement dues au fait que les personnes ayant un statut socio-économique inférieur ont moins d’opportunités. Les familles de statut socioéconomique fragile sont souvent confrontéesà de mauvaises conditions de vie et à un environnement peu propice à l’apprentissage. 

Pour obtenir des données et étayer une étude a suivi près de 49 000 mères et leurs 60 000 enfants de la naissance à l’âge de sept ans. Et ce afin de constituer un échantillon représentatif regroupant toutes les gammes de condition sociale et économique

À l’âge de sept ans, ces enfants ont passé le WAIS (le  test de l’échelle d’intelligence de Wechsler pour enfants – le test qui fait référence en Europe). Et biensur, la corrélation entre le statut socioéconomique et le QI mesuré était flagrante : Moins il y avait de facteurs environnementaux inhibiteurs plus le QI était élevé. Les enfants de CSP supérieures étaient donc plus intelligents que ceux des CSP les plus basses. La cloche de Bell commence à sonner bien faux…

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