Contrairement aux idées reçues, le QI n’est absolument pas une mesure de l’intelligence des individus, mais établit juste des comparaisons sur certaines capacités d’un individu par rapport à une population de référence. Les toutes premières tentatives de quantification du QI remontent au début du XXieme siècle, à l’initiative de l’Education Nationale Française qui voulait identifier de manière normée le potentiel des enfants – et repérer parmi tous, ceux qui était en échec scolaire. La mission fut confiée à Alfred Binet qui en 1906 produit le premier test calculant l’âge mental de l’enfant. Il suffisait ensuite de comparer ce dernier à son âge réel pour savoir si l’enfant était en retard ou en avance dans ses apprentissages. Ce premier jet a ensuite été considérablement amélioré par une batterie de psychologues afin de les affiner.
Désormais il existe une centaine de tests psychométriques différents élaborés par des chercheurs différents, qui ont tous leur propre barème de notation et mesurent parfois des choses différentes. Néanmoins tous ces tests se réfèrent à deux seules et uniques méthodologies : certains se basent, comme avec Alfred Binet, sur un différentiel d’âge mental versus l’âge biologique – on appellera alors le résultat Qi Classique. Les autres produisent un rang dans la population et on parlera alors de QI Standard ou de QI par répartition.
Ce constat dressé, un petit article pour s’y retrouver et comprendre ce que l’on met derrière le Quotient Intellectuel et les tests de QI et leur signification réelle.
Que veut-on mesurer ? Quotient Intellectuel : Définition
Le Quotient Intellectuel se définit comme un indice censé représenter la performance intellectuelle d’un individu. Il est généralement calculé sur la base de tests (nommés tests psychométriques) dont le score obtenu sera évalué en comparaison avec les résultats généralement constatés sur une population de référence. Ainsi l’on peut définir le Quotient Intellectuel comme le résultat d’un test visant à évaluer les capacités cognitives d’un individu sous la forme d’une information standardisée et quantitative. Il se veut donc l’expression de l’intelligence humaine.
Puisque le QI n’a d’existence qu’au travers les tests qui le mesure, passons directement aux méthodologies des tests de QI.
Il existe deux méthodologies de calcul du QI correspondant à deux approches très différentes de la notion d’intelligence.
Deux méthodologies de test pour quantifier le QI
Les tests basés sur l’âge mental de l’individu :
Cette première approche a été introduite par Stern et popularisée notamment par Alfred Binet et sa Nouvelle Echelle Métrique de l’Intelligence (NEMI). Elle représente les premières tentatives de mesure de l’intelligence au début du XXème siècle et on peut considérer aujourd’hui qu’elle est obsolète.
Dans cette approche, le Quotient Intellectuel est obtenu en divisant l’âge mental défini par le test psychométrique par l’âge biologique du sujet et en le multipliant par 100.
L’âge biologique est bien entendu l’âge réel de l’individu.
Son âge mental est défini par son niveau de performance au test mis en rapport avec la tranche d’âge pour laquelle on observe généralement ce niveau de performance.
Ainsi un score de 100 indique donc une performance exactement égale à la performance moyenne constatée pour la tranche d’âge à laquelle l’individu testé appartient.
En d’autres termes, si un enfant de 10 ans obtient un score à un test de QI généralement atteint par les enfants de 12 ans ; il aura alors un QI de 120 (12/10*100=120)
La limite de cette méthode est d’ignorer qu’un différentiel d’âge mental et d’âge biologique peut se révéler beaucoup plus inquiétant à un âge qu’a un autre : une personne de 30 ans ayant deux ans de retard en âge mental n’est pas forcément stupide. Si l’on parle d’un enfant de 10 ans, la situation est beaucoup plus handicapante.
Aussi fallait-il faire évoluer la méthodologie
Les tests par rang exprimés en écart-type par rapport au QI moyen
Dans cette approche la performance d’un individu ne sera comparée qu’aux performances moyennes des individus du même âge. Le QI est alors défini comme un différentiel de performance entre le score du sujet testé et la moyenne de ceux des individus du même âge. La différence sera exprimée en prenant comme unité l’écart-type de la distribution du groupe de référence. Le résultat pourra alors être produit sous la forme d’un point sur une courbe de Gausse (une courbe en cloche) et ou le résultat pourra se lire comme une performance « supérieure » ou « inférieure » à X% de la population. Ces tests par rang ne produisent donc pas un score mais un rang ou une échelle de QI : l’information importante n’est pas « 100 » ou « 115 » mais « supérieur à X% de la population ». Par exemple un QI de plus de 130 sur l’échelle de Wechsler –dont l’écart type est à 15 – voudra en fait dire que la performance au test psychométrique a été supérieure de 3 écarts types à la moyenne ; soit à 98% de la population. Leur principal intérêt est donc de situer chacun par rapport à une « intelligence normale »
Bien entendu le test est calibré pour produire une telle distribution : il comportera un petit nombre de question très difficiles auxquelles peu de gens peuvent répondre et un petit nombre de questions très facile auxquelles seuls un petit nombre de gens ne peuvent pas répondre.
Enfin lorsque l’on parle d’écart-type, il est important de prêter une attention à l’intervalle de distribution des valeurs (à quel point le minimum et le maximum sont éloignés) car elle influe sur la « taille » de l’écart type. Par exemple un écart type d’un million dans la comparaison des chiffres d’affaires de multinationales paraitra très faible alors qu’un écart type de 30 kilos dans la comparaison du poids de deux populations sera énorme.
C’est pour cette raison qu’américain et français peuvent ne pas se comprendre lorsqu’ils parlent de QI. En effet les français privilégient massivement les tests définis par Wechsler la ou les américains pratiquent plutôt les tests de Cattell. Or la distribution propre aux tests de Cattell est beaucoup plus large que celle des tests de Wechsler. Les écarts types le sont donc aussi (24 pour Cattell et 15 pour Wechsler) et en conséquence, lorsque l’on compare les résultats entre les deux tests on retrouve logiquement des différences en termes de volume absolus de QI :
QI Wechsler | QI Cattel | Rang sur 99 individus |
65 | 44 | 99 |
70 | 52 | 98 |
75 | 60 | 95 |
80 | 68 | 91 |
85 | 76 | 84 |
90 | 84 | 75 |
95 | 92 | 63 |
100 | 100 | 50 |
105 | 108 | 37 |
110 | 116 | 25 |
115 | 124 | 16 |
120 | 132 | 9 |
125 | 140 | 5 |
130 | 148 | 2 |
135 | 156 | 1 |
140 | 164 | 4/1000 |
145 | 172 | 1/1000 |
… | … | … |
Cela ne veut pas dire que les Américains sont plus intelligents que les français mais juste que l’écart-type comme différence à la moyenne est plus faible chez Wechsler car l’amplitude de la distribution des QI est moins importante !
En conséquence le QI n’est pas une valeur absolue, c’est une valeur relative selon le type de test de QI pratiqués et la performance moyenne de la population de référence.
Au-delà des méthodologies, les caractéristiques nécessaires des tests de QI
Même s’il en existe des centaines, tous les tests partagent une base méthodologique commune : ils sont standardisés (ils seront passés systématiquement dans les mêmes conditions afin de restituer une vue la plus impartiale possible) et ils sont étalonnés (c’est-à-dire calibrés sur la base d’un échantillon d’individus grosso modo représentatif de la population ou de la sous-population à laquelle appartient le sujet testé. Par exemple une tranche d’âge d’une population occidentale). Cette base méthodologique commune est capitale pour pouvoir parler de test : ils permettent la comparaison des sujets testés entre eux et donc la création d’une échelle sur laquelle on peut positionner chacun.
De même certains impératifs (déduits des bases méthodologiques) sont communs à l’ensemble des tests. Ils doivent être fidèles, c’est-à-dire qu’ils doivent produire à peu près le même résultat si on le passe plusieurs fois. Ils doivent être discriminants, c’est-à-dire suffisamment sensible pour produire une échelle de résultat assez large. Ils doivent être cohérents, c’est-à-dire s’intéresser uniquement à ce pourquoi ils ont été créés.
Alors l’intelligence : une simple histoire de test de QI ?
Le QI une composante de la notion d’intelligence
« Je nomme intelligence ce que mesurent mes tests » disait Alfred Binet quand on lui demandait ce qu’était l’intelligence. C’est une façon un peu sarcastique de répondre aux nombreuses critiques de ceux qui lui opposait qu’aucune définition scientifique de l’intelligence n’existait et qu’elle était peut-être plus large que ce qui était mesuré par le QI. C’est d’ailleurs assez amusant de constater que l’on a définit la méthode de mesure avant de débattre et définir ce que, justement, on voulait mesurer.
Dans les théories plus modernes on considère que les tests de QI ne mesurent qu’un des aspects de l’intelligence. En effet de plus en plus QI et intelligence sont considérés comme deux concepts distincts, le QI n’étant qu’une composante de l’intelligence.
En effet le QI est une mesure de la performance intellectuelle – au sens de puissance et rapidité de traitement de l’information et de création de corrélation entre celles-ci.
L’intelligence, elle, est plus vaste : elle serait ce qui nous permet de nous adapter aux situations nouvelles (en clair non pas ce que l’on sait mais ce que l’on fait quand on ne sait pas pour citer Piaget). Pour d’autres elle serait la capacité à établir des relations et associations appropriées entre des ensembles d’informations.
Relativiser la notion de QI en la décorrélant de la notion d’intelligence est d’autant plus important que le score moyen aux tests est fortement influencé par le contexte socioéconomique de l’individu testé (en clair les enfants de CSP+ surperforment) ce qui tendrait à faire croire que les pauvres sont plus bêtes que les riches….
Pour plus d’informations sur la définition de l’intelligence, n’hésitez pas à vous référer à mon article : Une définition la moins bête possible de l’intelligence
En conséquence évaluer l’intelligence ne se résume pas à définir le Q.I.
En psychologie clinique, domaine auquel appartiennent la famille des tests de QI, on ne parle justement pas de test de QI, mais de tests psychotechniques. Les tests psychotechniques se présentent comme une série de tests qui vont évaluer plusieurs aspects de la personnalité et des capacités cognitives de l’individu évalué.
Parmi les aspects testés on retrouve généralement des tests de mémoire, des tests de culture générale, des tests de personnalité, des tests pour évaluer d’éventuels troubles de l’apprentissage ou de l’attention par exemple et des tests de logique comme les matrices de Raven ou les carrés logiques. Chaque test va se concentrer sur un aspect donné de l’intelligence afin de tenter de mesurer celle-ci dans son ensemble. C’est d’ailleurs pourquoi les tests passés chez un professionnel ; dans le cas de la détection de la douance par exemple, sont si long : plusieurs dizaines d’heures et plusieurs types de tests pour évaluer la perception visuelle et auditive, la mémoire, le niveau de langage et bien sur sa capacité de traitement de l’information.
D’ailleurs plus qu’évaluer, il s’agit de tenter d’évaluer, car il s’agit d’un domaine sommes toutes assez récent et en constante évolution ; car aucune solution véritablement mature n’est actuellement disponible. Il existe de nos jours plus d’une centaine de tests différents produisant autant d’échelles et de mesure des capacités cognitives et d’évaluation des personnalités…. L’utilisation de ceux-ci va varier selon les pays ou certains tests se sont imposés, mais aussi en fonction de l’objet du test (entretien de recrutement, évaluation de la douance, tests d’orientation scolaire…)
Le seul vrai moyen pour définir le QI : un bilan psychométrique chez un psychologue spécialisé
Oubliez les plateformes en ligne qui vous propose des tests gratuits – ou de préférence payants – le résultat donné ne correspond à rien. Le seul cas – outre l’amusement- ou l’entrainement sur ces plateformes peut avoir du bon, est le cas d’un test de logique lors d’une candidature dans établissement scolaire imposant le passage de tests type matrice de Raven.
Comme le test en lui-même n’est qu’une composante de l’examen clinique visant à définir l’intelligence, il faut le passer chez un professionnel expert en la matière qui définira suite à un – ou plusieurs – entretiens avec vous quel(s) test(s) passer. De même il vous fera un compte-rendu précis qui ne se limitera pas à un rang : chaque composante de l’intelligence fera l’objet d’un retour. Ce qu’il faut retenir c’est qu’un pourcentage ou un chiffre seul ne signifie rien du tout car l’intelligence humaine est aussi riche qu’il y a d’individu. Et certaines formes d’intelligence peuvent être atypique et nécessitent donc une évaluation – et un debrief – personnalisé.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on parle plus de bilan psychométrique que de test de QI : le test passé chez un psychologue est en fait une suite de tests (de QI et de personnalité…) et d’entretiens pour aider le praticien à mieux définir les différentes facettes de la personnalité et des aptitudes cognitives. De même le psychologue devra s’assurer que les tests sont passés dans des bonnes conditions pour garantir la fiabilité de ces derniers. Ce dernier point est d’ailleurs la raison pour laquelle les tests de QI officiels ne peuvent être acquis qu’en montrant patte blanche : il faut avoir été formé pour faire passer un test et ceux-ci ne sont donc vendus qu’aux professionnels certifiés. En guise d’information, en France, les seuls tests vraiment reconnu par les autorités ou les associations spécialisées dans les surdoués sont les tests de Wechsler.
Quand tester et jusqu’à combien de fois : quelques bonnes pratiques
Le cas de l’enfant précoce est le seul cas ou le test de QI est urgent
Pour le cas de l’adulte, il n’y a aucun véritable rationnel de temps. Juste des bonnes pratiques ; et comme bien souvent les bonnes pratiques, elles relèvent du bon sens. Ainsi le meilleur moment pour tester est quand il faut une réponse à la question… Apparition de difficultés scolaires ou d’un désintérêt pour l’école chez l’adolescent; choix d’une nouvelle école, décision d’orientation scolaire ou plus simplement sentiment d’une différence chez l’adulte qui se demande donc s’il n’est pas surdoué.
Bref les occasions sont multiples et ne manqueront pas de se présenter à vous. Si tout va bien pour vous ou votre ado, que vous êtes ou qu’il semble épanoui, vous n’avez pas forcément besoin de débourser 300€ chez un psy. Dans le cas contraire, l’investissement vaut le coup car le bilan qui sera fait sera riche en enseignement sur la personnalité de la personne testée même s’il n’est pas question de Haut Potentiel et de QI astronomiques.
Pour l’enfant par contre, surtout en cas de doute sur une éventuelle précocité, le test peut s’avérer précieux. En effet plus la douance est prise en charge tôt, meilleures seront les chances de l’individu pour s’adapter à un monde bien trop normal. Si vous avez un doute, ou que vous ne vous êtes jamais posé la question, vous pouvez consulter cet article d’enfant-surdoué qui décrit les principaux signes à observer pour repérer un surdoué.
Quoi qu’il en soit pour vos têtes blondes, n’attendez pas trop ! A partir de 8 ans les « chances » que la douance non détectée produise des effets négatifs sur la personnalité de l’enfant deviennent plus importantes. Il est alors préférable que, si une formation ou un accompagnement dédié soit à envisager, ces derniers commencent le plus tôt possible. En outre ces tests psychométriques s’ils confirment un haut Potentiel, vous permettront de pouvoir prétendre à certaines aides de l’Education Nationale (aménagement du temps scolaire, suivi spécifique, accès à certaines classes spécialisées…)
Le test ne s’est pas bien passé : puis je le repasser ? Combien de fois ?
Généralement un test passé dans de bonnes conditions chez un professionnel n’a pas à être renouvelé à moyen terme. En tous cas pas avant au moins deux ans. Néanmoins – et surtout dans le cas des enfants – il peut être intéressant – sur l’avis du psychologue – de faire repasser le bilan psychométrique à quelques années d’intervalle, pendant l’adolescence notamment. Assez logiquement partant du principe qu’un enfant n’a pas construit sa personnalité, le test de QI passé dans le jeune âge (avant 10 ans) est nécessairement imprécis et peut être affiné par la suite. Par convention on suppose qu’un test passé après l’âge de 10 ans est représentatif, sauf circonstances exceptionnelles. Il faut aussi noter qu’un psychologue à parfaitement le droit de refuser d’évaluer un individu – et à plus forte raison un enfant – s’il considère qu’il n’y a pas vraiment lieu de le faire. Il s’agit aussi pour eux d’éviter aux enfant de faire les frais des petites failles personnelles de leurs parents qui, parfois, aimeraient tant que leur enfant soit un génie en chaque chose…