De l’art difficile d’enseigner aux élèves surdoués

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Considérant que 2 élèves sur 100 sont surdoués ; il est très probable que votre établissement en accueille au moins un… C’est pourquoi dans cet article, nous souhaitons proposer une liste de conseils pour les enseignants et donner des pistes pédagogiques pour les petits surdoués. Il met l’accent sur quelque basiques que tout enseignant peut utiliser en classe et promouvoir la réussite des petits haut potentiels d’une manière positive.
Les erreurs courantes sont également évoquées, ainsi que les raisons pour lesquelles elles peuvent être préjudiciables aux petits surdoués. Car effectivement la partie la plus difficile n’étant généralement pas l’enseignement en tant que tel, mais la gestion du comportement des élèves.
Alors – en espérant donc que vous trouverez ces conseils utiles – voici une liste de 7 conseils et 3 erreurs à garder en tête.

Conseil nº 1: Apprenez d’abord à les reconnaitre pour pouvoir ensuite les aider

Parmi les élèves de votre classe vous aurez nécessairement un jour un surdoué non détecté et qui aura donc besoin de votre aide. Cela sera doublement complexe pour vous : d’abord parce que le surdoué non détecté est l’exact opposé de l’image d’Épinal que l’on se fait du surdoué, et ensuite parce qu’il vous faudra combattre ces préjugés au sein même de l’Education Nationale – ou de votre établissement. Il est donc important, en premier lieu, de ne pas se laisser distraire par de faux stéréotypes.

Les élèves surdoués viennent de tous les groupes sociaux, de toutes les régions du monde, des tous les sexes, ils vivent dans les zones rurales comme dans les zones urbaines. En la matière il convient d’oublier Bourdieu car le schéma de reproduction est – ici -génétique et non social. Ainsi ce n’est pas parce que vous enseignez en ZEP que vous aurez moins de chances d’avoir un surdoué en classe. Vous aurez par contre plus de chance que ce soit un surdoué non détecté.

Ces élèves sont soit mauvais en classe (le profil du rêveur ou celui du turbulent) soit moyen et un peu transparent (les profils adaptés). Les élèves intellectuellement précoces présentent de nombreuses caractéristiques, notamment: une capacité précoce à penser l’abstrait, un besoin extrême et constant de stimulation mentale, une capacité – et rapidité – d’apprentissage et de traitement des informations complexes de même qu’un besoin chronique d’explorer les sujets en profondeur. Les élèves qui présentent ces caractéristiques apprennent différemment. Ils ont donc des besoins académiques spécifiques.

Imaginez à quoi ressemblerait votre comportement si vous étiez Mozart et qu’on vous disait que vous devez suivre des cours de musique parce que c’est le programme de votre âge. C’est souvent l’expérience de l’enfant surdoué. Certains choisissent de réussir en s’adaptant aux demandes et perdent par la même ce qui rend leur talent unique. D’autres choisissent de se rebeller ou de se réfugier dans leur monde intérieur et ne plus écouter du tout. Quoi qu’il en soit, quelques changements simples à leur expérience scolaire peuvent améliorer considérablement leur qualité de vie — et, le plus souvent, la vôtre!

Conseil nº 2: Abandonnez le concept de « Normalité » voir de « normalisation »

Pour être un enseignant efficace, quel que soit le degré d’avancement de votre carrière, la meilleure chose que vous puissiez faire pour vous-même est de laisser tomber l’idée de « normalité ». Offrez à tous les élèves la possibilité de grandir là où ils se trouvent, et non pas là où les programmes scolaires disent qu’ils devraient se trouver.

Vous ne ferez pas de mal à un élève en lui offrant la possibilité de terminer un travail en avance ou d’aborder le programme de seconde alors qu’il est en quatrième. Aidez-le en ce sens tout en veillant à ce que les acquis fondamentaux de son année soient assimilés. Les recherches, surtout américaines car ils sont assez avancés en la matière, montrent invariablement que les programmes basés sur le développement et les capacités sont beaucoup plus efficaces que les programmes basés sur l’âge. De plus, ces recherches indiquent que les talents se manifestent le long d’un continuum.

En tant qu’enseignant, n’ayez pas peur de sortir des sentiers battus. Vous aidez les élèves à développer leurs capacités. Tout comme les athlètes sont bons en athlétisme, les élèves surdoués savent penser. Nous n’aurions jamais imaginé de brider un athlète prometteur, alors n’ayez pas peur d’encourager vos « petits penseurs » en leur offrant des occasions de s’élancer sur la piste. J’imagine que certains d’entre vous verraient mille objections a ce que je viens de dire : l’Ecole pour tous, le socle commun de connaissance….

C’est effectivement un beau projet, mais il ne faudrait pas qu’il détruise des élèves dont l’unique tort est d’être trop intelligent. Et hélas, c’est un constat imparable : seuls 33% des surdoués font des études supérieures car pour la majorité le rythme des programmes scolaire est une torture quotidienne. Comprenons-les : qui voudrait s’ennuyer pendant 71% des 18 premières années de sa vie ?

Conseil nº 3: Effectuer des évaluations informelles

Répondre aux besoins des élèves surdoués ne doit pas nécessairement être une tâche exigeant l’ensemble de vos ressources en temps ou en patience. L’une des façons les plus faciles pour mieux comprendre comment fournir du matériel stimulant est d’effectuer régulièrement des évaluations informelles de toute la classe.

Par exemple, avant de commencer un cours sur une thématique, faites passer sur le mode du jeu un petit test sur cette thématique. Les élèves qui obtiennent un score , par exemple, supérieur à 80 % ne devraient pas être forcés de réapprendre des informations qu’ils connaissent déjà. Il faudrait plutôt donner à ces élèves des occasions parallèles de relever des défis. Envisager d’offrir à ces étudiants la possibilité de terminer un projet indépendant (un exposé par exemple) sur le sujet ou de remplacer le cours en question par la possibilité de suivre un autre cours plus avancé – via un MOOC par exemple.

Dans les domaines du programme  qui sont séquentiels, comme les mathématiques et l’orthographe, pourquoi ne pas faire le test de fin d’année pendant la première semaine d’école? Si vous avez des élèves qui peuvent démontrer des compétences à 80 %, vous leur épargnerez une année entière de frustration et d’ennui en leur offrant un programme qui leur permettra d’aller plus loin.

Conseil nº 4: (Re) Familiarisez-vous avec Piaget & Bloom

Parmi tous les théoriciens du développement que vous avez probablement étudié lors de vos cycles de formation, l’approche de Piaget Bloom est celle qui s’applique le plus certainement aux enfants surdoués. Jean Piaget offre une description utile des étapes de développement en lien avec l’apprentissage. Les élèves surdoués sont souvent à l’étape des « opérations formelles » (10 à 16 ans) alors que leurs pairs sont encore à l’étape des « opérations préopératoires » (2 à 6 ans) ou des « opérations concrètes » (6 à 10 ans). Lorsqu’un enfant est plus avancé sur le plan du développement, ses capacités d’apprentissage et ses besoins diffèrent.

Une fois ce premier constat effectué, on peut l’enrichir avec la taxonomie de Bloom pour lui donner une nouvelle profondeur. Cette taxinomie est une représentation organisant 6 niveaux hiérarchiques chacun d’entre eux correspondant à un niveau typique de l’information : de la restitution jusqu’à la manipulation la plus complexe des concepts.

Les étudiants qui en sont à l’étape de développement des « opérations formelles » ont besoin d’expériences d’apprentissage à l’extrémité supérieure de la taxonomie de Bloom. Ainsi  tous les devoirs devraient offrir à l’étudiant la possibilité d’utiliser des capacités de pensée de niveau supérieur comme l’analyse, la synthèse et l’évaluation.

Pour plus de détails

Approche de Piaget : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Piaget

Taxinomie de Bloom : https://fr.wikipedia.org/wiki/Taxonomie_de_Bloom

Conseil nº 5: Faire participer les parents en tant que localisateurs de ressources

Les parents d’enfants surdoués sont souvent assez protecteurs vis-à-vis de leurs enfants. Si vous n’êtes pas préparé pour cela, cela peut être un peu troublant. La bonne nouvelle, c’est qu’au final, ce qu’ils veulent le plus, c’est d’être entendus et pouvoir rencontrer quelqu’un qui est prêt à penser différemment. Jouez sur cela : proposez-leur de collaborer avec eux, plutôt que d’essayer de leur résister.

Dans l’intérêt de l’enfant, il vaut mieux travailler ensemble pour essayer de répondre au mieux aux besoins de leur enfant. Par exemple, s’ils veulent que leur enfant fasse des exercices plus stimulants en mathématiques, demandez leur aide pour trouver de meilleurs thèmes à aborder. A contrario,  Une évaluation informelle peut les aider à déterminer le meilleur endroit où commencer ce programme adapté, puis encouragez-les à explorer d’autres options qui pourraient s’avérer au final adaptées pour l’ensemble de la classe.

La plupart des parents comprennent que les enseignants n’ont pas le luxe de créer un programme d’études personnalisé pour chaque élève, mais la plupart des enseignants sont prêts à prendre des mesures d’adaptation si les parents acceptent de faire les démarches et les recherches nécessaires. La souplesse et la volonté de penser différemment peuvent créer pour vous des situations gagnant-gagnant.

Conseil nº 6: Renseignez-vous sur les possibilités d’apprentissage à distance

Les choix offerts aux enseignants et aux parents dans ce domaine ont explosé au cours des dernières années. Une myriade de cours en ligne au niveau pour le secondaire et le lycée constituent un excellent moyen de compléter les programmes auxquels vous êtes tenus : l’élève pourra donc soit se concentrer sur ce que votre programme comporte qu’il ne maitrise pas, soit sur un MOOC qui lui évitera l’ennui de revoir quelque chose qu’il sait déjà. Bien sûr, ces cours ne sont généralement pas gratuits, mais c’est une option que de nombreux parents sont prêts à payer pour peu que quelqu’un pense à leur en parler…

Conseil nº 7: Autoriser l’élève à suivre les cours d’une classe supérieure : gratuit et efficace !

Une autre option consiste à permettre aux élèves de suivre des cours avec d’autres élèves qui se situent au même niveau de développement, plutôt qu’avec leurs pairs de leur âge. Si un enfant de 9 ans peut démontrer qu’il est prêt à apprendre l’algèbre, pourquoi devrait-il être forcé de suivre le programme de CM1 et lui faire bachoter des tables de multiplications qu’il peut apprendre en 1 minute s’il y voit un réel intérêt?

Certes dans un premier temps l’élève aura besoin d’un accompagnement un peu spécifique pour l’aider dans la prise de note et l’organisation ; néanmoins la caractéristique d’un surdoué est d’apprendre vite s’il est motivé pour le faire !

Parfois, certains enseignants bien intentionnés craignent qu’un élève ne manque de choses à apprendre s’il a accès au programme d’études destiné aux élèves plus âgés (Mais s’il fait le programme de première maintenant que fera-t-il en première ? Et en Terminale ?). Cependant, une personne peut-elle vraiment manquer de choses à apprendre? Par exemple, su Julie, une élève de 6ieme, a le droit d’apprendre les mathématiques de Troisième cette année, alors les mathématiques de Troisième ne seront pas appropriées pour Julie lorsqu’elle terminera le collège. Donc, en troisième, Julie devrait avoir accès aux mathématiques Terminale, et ce juste selon ses besoins. Quel mal y a-t-il à ça? Julie apprendra juste à un rythme adapté à ses capacités et continuera de le faire, que nous l’obligions ou non à travailler les proportionnalités.

On sera tous d’accord pour dire qu’un étudiant ne devrait pas voir ses chances limitées en raison de son âge, de son origine ou de tout autre facteur qui échappe à son contrôle. L’éducation devrait viser à créer de véritables possibilités d’apprentissage pour tous les élèves, y compris pour ceux dont le QI les rends inaptes à un programme scolaire construit pour répondre au besoin de la moyenne.

Autre crainte des enseignants à ce sujet : le niveau de maturité sociale de l’élève. Mettre Julie élève de 6ieme dans une classe de Troisième ne représente-il pas un risque pour Julie qui n’a pas le même niveau de développement affectif et social que les ados s’apprêtant à entrer au Lycée ? Il est évident qu’il faudra prêter une attention particulière à Julie ; néanmoins certaines études tendent à montrer que l’âge social est corrélé avec l’âge mental, et non pas à l’âge biologique. Un élément soutenant cette hypothèse est lui empirique : généralement le petit surdoué préfère fréquenter des personnes plus âgées que lui.

Couac 1 : Se servir du surdoué comme tuteur de ceux qui avancent moins vite

Les enfants surdoués pensent et apprennent différemment des autres élèves. Leur demander de servir de tuteurs peut être une expérience frustrante pour toutes les parties concernées. Il faut aussi en tenir compte lors de la mise sur pied d’équipes d’apprentissage ou de projets de groupe. Mettre votre élève le plus fort avec vos élèves en difficulté est probablement une expérience douloureuse pour tout le monde. Imaginez le développement d’une équipe cycliste avec un membre comme Lance Armstrong, puis la sélection d’autres membres qui viennent d’apprendre à conduire leur vélo ou qui comptent encore sur les petites roues. Il est peu probable qu’un membre de ce groupe appréciera vraiment l’ambiance de travail !

Couac 2: Donner plus de travail à vos élèves surdoués lorsqu’ils terminent en avance

C’est une pratique courante de donner plus de travail aux élèves s’ils terminent leurs travaux plus tôt. Or si l’élève accomplit son travail de manière efficace, il est probable que le travail est trop facile pour lui. En lui en donnant plus, on ne fait que cultiver son ennuie pour la matière. Considérons encore une fois notre cycliste. Voudriez-vous que le coureur qui a terminé la course en premier continue à rouler, sur un vélo stationnaire jusqu’ à ce que tous les autres coureurs aient terminé la course? Que se passerait-il si ce cycliste avait la possibilité de participer à des courses plus exigeantes ou de développer ses talents dans des domaines connexes – ne serait-ce pas une meilleure utilisation de son temps?

Couac 3: Conditionner les apprentissages hors programme à la maitrise parfaite du programme de l’année en cours

Il est important de se rappeler que les élèves surdoués pensent et apprennent différemment et peuvent être extrêmement rebelles. Personne – ni les adultes, ni les enfants et encore moins les enfants surdoués – n’aime s’ennuyer! Les élèves surdoués, grâce à leur capacité à raisonner, choisiront délibérément de ne pas faire quelque chose simplement parce qu’ils « doivent » le faire, surtout si cela leur semble inutile. Ils préfèrent passer leur temps à réfléchir ou à lire plutôt que de remplir des cahiers de devoirs trop faciles.

Concentrez-vous sur les forces de vos élèves et non sur leurs faiblesses. Offrez-leur des occasions qui collent à leurs capacités.  Selon le temps qu’ils ont passé dans le système scolaire classique, il leur faudra peut-être un certain temps pour vous faire confiance. Ne soyez donc pas surpris s’il n’y a pas de changement miraculeux du jour au lendemain. Soyez cohérent, positif et n’oubliez pas que vous êtes peut-être le premier enseignant à lui donner l’occasion d’apprendre vraiment. Ne tombez pas dans le piège du : »Tu vois, je t’ai dit qu’il n’était pas surdoué, je lui ai donné un exo difficile et il a échoué. » Les élèves surdoués n’ont généralement pas eu à travailler pour réussir. Il va leur falloir l’apprendre

En tout cas chers enseignants – vous qui avez prit le temps de lire ce billet – je vous en remercie. Mais alors énormément ! Car cela veut dire que vous souhaitez aider les petits surdoués dans vos classes et Dieu sait combien d’avenir naissant vous aller pouvoir sauver grâce à cet intérêt. Alors j’espère que vous y aurez trouvé dans cet article un peu d’inspiration et quelques bonnes idées.
J’espère autant que de « fôtes » d’orthographe, car cela n’a jamais été mon point fort (et les corrections automatiques en laissent passer tant !)

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