Le QI à cela de pratique qu’il permet de détecter scientifiquement une potentielle douance et d’apporter une réponse rapide et sans appel. Néanmoins, certains individus développent des aptitudes hors nome dans un domaine très particulier. Leur spécificité est telle qu’elle n’est pas envisagée par des tests nécessairement standardisés. Ainsi une nouvelle fois la douance est gênée par l’impératif social du « pour tous » ou tout du moins du « pour le plus grand nombre ». Personnellement je pense que c’est hélas un mal nécessaire : si l’on traite au cas par cas, la définition deviendrait si complexe qu’elle en deviendrait parfaitement inutile. Pourtant comment ne pas vouloir qualifier de surdoué une personne possédant un talent beaucoup plus développé que la moyenne ? Par exemple un peintre exceptionnel, un escrimeur hors du commun dont la précision et la perfection d’exécution balaie les adversaires…
La douance est un phénomène beaucoup plus complexe qu’il n’y parait, notamment parce que pour la plus grande part des surdoués, les développements de chacune des aptitudes ne se fait pas au même rythme, ils sont asynchrones.
Etre surdoué ce n’est pas être doué partout !
Les surdoués se développent souvent de manière asynchrone, c’est-à-dire que leur degré d’intelligence est inégal en fonction de l’aptitude mesurée. En d’autres termes des fonctions cognitives et émotionnelles spécifiques sont souvent à différents stades de développement (par exemple un surdoué peut avoir la capacité de raisonnement logique d’un adulte mais la sensibilité émotionnelle d’un enfant). Cela peut produire des impressions de « bêtise » : si un surdoué excelle en mathématiques il peut s’avérer catastrophique dans une autre matière et donner une impression générale de « capacités limitées », surtout si ce dernier dans ses tentatives de se conformer à la norme, se bride volontairement.
Mais alors si l’on raisonne au-delà des tests de QI et de l’image d’Epinal, qu’est ce qu’un surdoué pour de vrai.
Les surdoués sont le plus souvent dyssynchrones
Aussi impressionnantes soient ses capacités, le petit surdoué n’est pas nécessairement surdoué en tout. Les enfants HP se développent souvent de façon asynchrone, leurs esprits sont souvent en avance sur leur croissance physique et des fonctions cognitives et émotionnelles spécifiques sont souvent à différents stades de développement. En outre, la douance est souvent inégalement répartie entre les différentes sphères intellectuelles. Ainsi un petit zèbre peut se distinguer grâce à d’exceptionnelles capacités mathématiques, mais se révéler très inférieur à la moyenne pour ses capacités orthographiques ou verbales, en cas de dyslexie par exemple.
La plupart des chercheurs ont désormais tendance à reconsidérer la définition de la douance en y pondérant le poids des tests de QI par l’ajout d’autres caractéristiques plus subjectives telles que la créativité, l’hypersensibilité etc etc.
Ainsi au-delà du simple QI la définition de l’enfant précoce se fera au travers de l’ensemble des composantes de sa personnalité : le potentiel intellectuel bien sûr mais aussi sa personnalité psychoaffective.
Le QI est trop réducteur : un constat qui prévaut dans les définitions officielles de l’Enfant surdoué
Les institutions nationales évitent de parler de niveau de QI dans les définitions qu’elles donnent de l’enfant surdoué. Néanmoins il est amusant de comparer la définition de l’Education Nationale française et celle posée par la loi fédérale « étatsunienne ».
En effet si la définition hexagonale admet une spécificité (ou une vague « particularité »), elle la présente comme une « avance » (ou une précocité) ce qui évite soigneusement d’admettre que des différences importantes de talent existent au sein d’une même classe (Ahhh l’Egalité au sens strict est-elle vraiment la seule garante de la Fraternité, même au prix de la Liberté ?)
Les américains, qui eux se contente d’avoir confiance en Dieu, ne se coupent pas les cheveux en quatre : ils annoncent directement qu’un enfant surdoué (« Gifted & Talented ») est un enfant dont une ou plusieurs aptitudes sont supérieures aux autres, et qu’il faut donc les traiter différemment.
Ainsi l’Education Nationale Française a créé en 2002 le terme officiel « Enfant Intellectuellement Précoce » ou « EIP « qu’elle définit comme :
« L’enfant intellectuellement précoce est un enfant dont le développement intellectuel est en avance par rapport à celui des enfants de son âge, et qui présente certaines particularités dans son processus de compréhension et d’apprentissage. »
On complétera cette définition par une citation de la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école – article 27 codifié 321-4- qui prévoit une meilleure prise en charge des élèves intellectuellement précoces ou manifestant des aptitudes particulières et qui montrent aisance et rapidité dans les activités scolaires, “notamment par des aménagements appropriés”.
Pour la définition de son homologue Outre-Atlantique on retrouvera une définition un peu moins sybilline :
« Le terme « doué et talentueux »[Gifted & Talented] lorsqu’il est utilisé pour désigner les étudiants, les enfants ou les jeunes de manière générale ; signifie élèves, enfants ou jeunes qui démontrent une capacité supérieure de performance dans les domaines intellectuel, créatif, artistique, dans leur capacité de leadership, ou dans des domaines académiques spécifiques ; et qui ont besoin de services ou activités qui ne sont pas ordinairement fournies par l’école – et ce afin de pleinement développer ces capacités. »
Ces définitions exposent plus ou moins clairement plusieurs caractéristiques propres à la douance : D’abord elles soulignent la diversité des domaines où les performances peuvent être démontrées. Ensuite elle repose sur la comparaison avec d’autres groupes (ceux des classes d’enseignement général ou les enfants du même âge, du même niveau d’expérience ou du même type d’environnement social)
Enfin l’utilisation de termes qui impliquent un besoin de développement du don (capacité et potentiel) par des moyens ou des programmes adaptés qui leurs sont spécifiquement dédiés.
Là se pose l’épineuse question de la scolarisation de ces petits génies.
Relativiser les définitions basées uniquement sur le QI : l’intelligence multiple
Pendant très longtemps, il était communément accepté que la douance se définisse comme une différence strictement quantitative, mesurable par des tests de QI. Néanmoins désormais un certain nombre d’experts décrivent la douance sans faire référence à un score de QI mais comme une façon fondamentalement différente de percevoir le monde, qui se répercute sur chaque expérience vécue par l’enfant, et au-delà, tout au long de sa vie.
Cette approche basée sur le QI a le mérite d’être simple et scientifique. Elle est d’ailleurs la seule qui vaille pour qui veut intégrer des associations de surdoués, telles que MENSA par exemple. Pourtant s’il existe clairement une corrélation entre perception du monde et niveau de QI, la perception du monde peut être différente sans que le test de QI n’arrive à discerner l’objet de la douance (leur standardisation les rend nécessairement réducteurs). C’est pourquoi il est impératif de se pencher sur d’autres aspects de l’intelligence pour bien faire le tour de la question.
Pour relativiser le poids prépondérant du test de QI dans l’identification du surdoué, nous pouvons nous pencher un peu plus sur une théorie qui, autant le dire tout de suite n’est pas consensuelle, et consiste à discerner neuf formes différentes d’intelligences. Il s’agit de la théorie de l’intelligence multiple qu’Howard Gardner pose dans son « Frames of Mind: the Theory of Multiple Intelligence » commis en 1983.
Pour Gardner il existe plusieurs types d’intelligences donnant pour chacune d’elle lieu à un type de surdoué. Ainsi l’enfant intellectuellement précoce peut être défini comme un enfant exceptionnellement compétent dans un ou plusieurs des domaines suivants :
- Intelligence linguistique (utilisation des mots et des nuances de sens)
- Intelligence logico-mathématique (capacité à résoudre des problèmes abstraits du domaine de la logique ou des mathématiques)
- Intelligence spatiale (capacité à établir des relations entre les objets dans l’espace / se repérer dans l’espace)
- Corporelle/kinesthésique (capacité psychomotrices : contrôle fin du mouvement dans un sport par exemple)
- Intelligence musicale (percevoir reconnaitre et créer de rythmes et mélodies)
- Intelligence inter-personnelle (capacité à comprendre les autres et communiquer avec eux)
- Intelligence intra-personnelle (connaissance de soi, de ses atouts et de ses limites et capacité à utiliser cette connaissance dans la vie)
- Intelligence naturaliste (Classer et différencier des objets par catégories – ajout ultérieur en 1993)
- Intelligence existentielle (ou spirituelle) (aptitude à s’interroger sur le sens des choses ; a remettre en question des faits « évidents »)
Certes, l’approche de Gardner est sujette à débat dans les milieux spécialisés car aucune recherche expérimentale sur l’intelligence humaine n’a jusqu’ici validé ces neuf formes. Pourtant elle a le mérite de souligner que l’intelligence peut prendre de multiples formes et qu’elle est par conséquent difficile à cerner et donc mesurer. D’où la nécessité de pondérer le poids du score de QI dans la définition de la Douance : un escrimeur de très haut niveau n’est-il pas quelque part un surdoué dans son art ? Est-ce pour autant qu’il comprendra à 15 ans les concepts avancés de la physique quantique ? Et aurait-il les mêmes besoins et les mêmes enjeux que l’ado qui justement comprendra ces fameux concepts ? Non bien évidemment.
Ce qui nous amène à un point fondamental : il faut considérer la douance au travers de la personnalité chez qui on la recherche. Chaque individu est unique et les conséquences de son intelligence sur ses besoins et son développement l’est tout autant. Et c’est bien la raison pour laquelle les définitions officielles, en France comme aux Etats Unis par exemple, font le plus souvent abstraction d’une référence à un score de QI