Trouble d’origine neuro-développementale le Syndrome d’Asperger fait partie des Troubles du Spectre Autistique (TSA). Affectant des individus généralement très intelligents, il impacte la capacité à manier et comprendre l’abstrait et l’implicite – complexifiant grandement leur capacité à interagir socialement.
En France on estime que 5 000 à 8 000 petits bébés naissent avec un syndrome d’Asperger plus ou moins exprimé chaque année. Aussi loin d’être un trouble rarissime, le Syndrome d’Asperger est de plus en plus médiatisé et donc connu du grand public. Mais connu ne signifie pas comprit, et bien souvent on ne peut que déplorer la vision réductrice qui en est donnée dans les discussions ou les médias. Pour briser certaines idées reçues, voici un article « tête de pont » de la section entière dédiée à la question « Qui sont les Aspies ? ».
Vous accéderez à chacun des articles via les liens dans le corps de texte.
Syndrome d’Asperger : Définition
Petite histoire d’une grande découverte
C’est en 1944 qu’un pédiatre autrichien, Hans Asperger, isole dans ses patients quatre jeunes visiblement atteint d’un trouble aux symptômes similaires. Parfaitement intelligents, disposant d’un vocabulaire tout à fait évolué, ces jeunes patients étaient par contre incapables de saisir le second degré, d’interagir efficacement que ce soit de manière verbale ou gestuelle, de gérer le débit de leur voix et les intonations de leurs paroles.
Frappé par la chose, il débute l’analyse des symptômes et documente les cas.
Mais l’histoire était contre lui : Autrichien publiant en allemand dans un pays nazi en fin de guerre ; sa parole ne sera pas entendue et sa découverte se perd jusqu’en 1981.
En 1981 donc, le médecin anglais Lorna Wing publie une série d’études de cas portant sur des enfants présentant des symptômes similaires. Et là c’est le succès : les écrits de Wing sur le «syndrome d’Asperger» sont largement publiés et popularisés tant et si bien qu’en 1994, le syndrome d’Asperger est ajouté à la quatrième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-4), le livre de référence des diagnostics de l’American Psychiatric Association.
Asperger : une origine neurobiochimique dans un contexte d’hérédité
Le syndrome d’Asperger est un trouble du spectre autistique – donc partie de la famille des autismes – mais se distingue par le fait qu’il est un autisme associé à des capacités intellectuelles élevées – notamment en termes de mémoire – et sans retard du langage. Vous pouvez d’ailleurs découvrir mon article « Quelle différence entre Autiste et Asperger ?«
Il s’agit d’un trouble d’origine neurobiochimique (un trouble qui trouve son origine dans le développement physique du cerveau et son équilibre chimique) : certaines aires neurologiques sous performent induisant ainsi un dysfonctionnement du traitement de l’information. Plus d’informations dans l’article « Quelle est la cause du syndrome d’Asperger ? «
En effet les syndromes d’Asperger excluent toute déficience sensorielle ou intellectuelle : une part non négligeable des Aspies pourraient être considérés comme surdoués (néanmoins gardons à l’esprit que les tests psychométriques classiques sont inadaptés pour quantifier le QI d’un Aspie – et il n’existe à ma connaissance aucun test de QI pour eux) : ils récoltent donc toutes les informations communiquées par leurs cinq sens. Néanmoins une « architecture » originale du cerveau rendra le traitement de ces informations (ou leur communication aux aires neurologiques censées les traiter) sous-efficient. Pour approfondir ce sujet découvrez notre article « quel est le QI d’un Asperger ?«
L’hérédité est un facteur de poids – comme pour la plupart des fonctionnements cognitifs atypiques – aussi il n’est pas rare de retrouver plusieurs « Aspies » au sein d’une même famille. De même ce poids de la génétique s’exprime aussi au travers des répartitions hommes femmes dans la population atteinte.
Une prévalence qui fait débat : entre 0.45% et 1% de la population
Le taux de prévalence diffère selon les sources. Quand l’Education Nationale considère qu’il se situe aux alentours de 4.5 pour 1000 individus ; l’Institut Pasteur considère de son côté qu’il se situerait aux alentours de 1 pour 200 ; soit 0.5% de la population. Les anglais eux considèrent que cette prévalence est beaucoup plus importante avec 1% de la population plus ou moins sévèrement touchée.
Cette prévalence semble beaucoup plus importante chez les garçons que chez les filles : on compte en effet 9 garçon pour 1 fille dans la population « Aspi » ce qui tend à montrer l’importance des facteurs génétiques dans le développement
L’Aspie comprend ce qui est concret mais ne saisit pas les notions abstraites
Les individus touchés éprouvent des difficultés pour tout ce qui a trait aux interactions sociales et à la communication: deux éléments ou l’implicite et l’abstrait sont dominants. Ils auront particulièrement du mal à saisir les mécanismes humains à la base des comportements : pensées, croyances, savoirs induits, désirs et intentions non exprimées.
Ainsi ils seront incapables de décoder les situations simples de la vie, comme les règles de politesse ou le second degré par exemple.
Le fonctionnement neuronal atypique des aspies les amènent donc à avoir une appréciation assez confuse de leur environnement social et de leur position par rapport à celui-ci. Les Aspi auront l’impression d’être submergés par les messages que produit leur environnement : incapable de les traiter, les décoder et donc les prioriser ; ils éprouveront une impression de « cacophonie » et éprouveront le plus grand mal à émettre eux-mêmes des messages clairs et cohérents en réponse.
Entraînant des comportements atypiques
Généralement en réaction, l’Aspi se concentrera sur les détails – car il ne peut envisager les situations sociales sous un angle global, il se réfugie dans des routines, qu’il répète parce qu’il les maîtrise ce qui l’amène à paraître très rigide. Il sera incapable de partager ses centres d’intérêts, donnant ainsi l’impression de n’en avoir aucun. Il aura de grandes difficultés à maîtriser le temps (arriver à l’heure, faire un devoir en 20 minutes..). Pourtant ils peuvent épater par l’excellence qu’ils atteignent dans un domaine spécifique sur lequel ils concentreront toutes leurs forces et par une mémoire bien souvent (mais pas systématiquement) prodigieuse.
De plus, le développement moteur peut être retardé, entraînant une maladresse ou des mouvements moteurs non coordonnés, comme un automate un peu mal réglé.
Pour approfondir, n’hésitez pas à vous lancer dans la lecture de mes articles « Comment se comporter avec un Asperger Adulte ?« . Pour gérer les crises de colères des enfants aspis et obtenir quelques conseils sur les comportements atypiques de l’enfant Asperger, je vous renvois à un autre de mes articles : « Comment se comporter avec un enfant Asperger ?« .
Signes précoces, Signes généraux et éléments de personnalité des Asperger
Chez certains enfants des signes peuvent être repérés dès la naissance et au cours de la première année; chez d’autres le premier développement paraît normal et des signes n’apparaissent qu’au cours de la deuxième année, voire même de la troisième année. Normalement le début se situe avant l’âge de 3 ans.
Après trois ans, on reconnaîtra l’Aspi au travers de certains signes et leur impact sur la personnalité du sujet.
Mais attention, aucun diagnostic ne peut être fait avant 18 mois au plus tôt : si vous décelez certains des signes suivant dans le comportement de votre bébé ; gardez le en mémoire pour plus tard mais n’en faites pas une maladie : vous avez peut être repéré un trait de caractère d’un bébé parfaitement « neuro-typique » (c’est à dire normal)
Voici donc une liste de signes du syndrome d’Asperger que vous pourrez approfondir en cliquant sur ce lien.
Signes précoces de l’Autisme (à prendre avec précaution)
- Son comportement est extrême : trop sage ou au contraire trop agité / il pleure beaucoup
- Peu de mimiques et de babillage : bébé semble ne pas communiquer y compris par les gestes
- Il ne réagit pas aux stimuli sonores (bruit, voix …)
- Son regard est inaccrochable, il ne suit pas les autres du regard
- Il est passif lorsqu’on le saisit : il n’ajuste pas sa posture dans les bras
- Absence ou très grande rareté des sourires
- Il joue avec son corps, mais ne prête pas attention aux jouets qu’on lui donne
- Il a des difficultés pour s’alimenter – notamment pour la tétée
- Il dort extrêmement mal
Signes généraux du Syndrome d’Asperger
- Capacité à interagir socialement limitées ou inappropriées
- Expression «robotique» ou discours répétitif
- Difficulté liées à la communication non verbale (gestes, expression faciale, etc.) qui est souvent extrêmement limité voir inexistante
- Des aptitudes verbales normales voire nettement supérieures à la moyenne : le vocabulaire est très étendu et la manière de parler est pointilleuse (on croirait entendre un petit professeur). Néanmoins le sens profond des mots n’est pas compris : l’enfant répète des tournures, certes très élaborées, mais apprises par cœur.
- Grande difficulté à gérer les moments d’une conversation : savoir quand prendre ou laisser la parole.
- Tendance à parler de soi plutôt que des autres donnant l’impression d’avoir assez peu d’empathie.
- Incapacité à comprendre les questions sociales/émotionnelles ou les phrases non littérales
- Grande difficulté à gérer l’abstraction dans le cadre des relations interhumaines – notamment sentimentale
- Absence de contact visuel dans les échanges
- Obsession pour des sujets très spécifiques, souvent inhabituels,
- Conversations unilatérales / absence de conversation réciproque
- Mouvements maladroits et/ou tics
Les traits de personnalité des Autistes Asperger
- Les Aspi sont de grands perfectionnistes
- Ils possèdent une grande sensibilité aux détails
- Ils sont respectueux des règles : elles établissent un cadre non implicite qui les rassure
- Ils possèdent généralement un esprit analytique très développé
- En conséquence ils sont généralement détenteur d’une logique indéniable
- Ils possèdent le plus souvent une mémoire extraordinaire
- Enfin ils sont objectifs – voir extrêmement lucide.
- Ils sont généralement très honnêtes car feindre n’est pas dans leur nature.
Comment diagnostique t-on le syndrome d’Asperger ?
Lorsque l’on parle du diagnostic il faut comprendre que le syndrome d’Asperger peut se traduire par une intensité très variables des symptômes. Certains Asperger léger pourront passer leur vie à se trouver « différent », « trop timide » « bizarre » sans jamais être diagnostiqués.
Quelle que soit la sévérité des symptômes, le syndrome d’Asperger reste souvent non diagnostiqué jusqu’à ce qu’un enfant ou un adulte commence à avoir de graves difficultés à l’école, dans son lieu de travail ou dans sa vie personnelle.
Et pour preuve la majorité des adultes atteints du syndrome d’Asperger sont diagnostiqués alors qu’ils cherchaient de l’aide pour des questions connexes telles que l’anxiété ou la dépression.
Cette question du diagnostic du Syndrome d’Asperger est traitée plus en profondeur dans mon article « Comment diagnostiquer le Syndrome d’Asperger ? «
Le diagnostic se fait, comme pour les DYS, par élimination
Pour poser un diagnostic convainquant pour le syndrome d’Asperger, le spécialiste devra aborder – pour les exclure- un certain nombre de troubles du développement cognitif dont les symptômes peuvent recouper ceux d’Asperger. Il s’agit principalement de :
- Le syndrome de la Tourette
- Le trouble obsessionnel compulsif (TOC)
- La schizophrénie
- La dépression
- Le trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention (TDAH)
- Les difficultés d’apprentissages (DYS notamment)
Le diagnostic se fait chez – et seulement chez – un psychiatre
Certains psychologues ou neuropsychologues peuvent vous proposer un diagnostic pour vous ou votre enfant : s’il le fait, partez en courant chez un professionnel sérieux : car en ce qui concerne les TSA (troubles du spectre autistique), seuls les psychiatres sont habilités à les mener.
Ce dernier ne le fera pas tout seul, le diagnostic sera généralement posé en concertation avec d’autres spécialistes (là interviennent les fameux psychologues et neuropsychologues ; mais on pourra aussi faire intervenir des psychomotriciens, des orthophonistes… les ressources à déployer le sont au cas par cas en fonction du profil de l’individu à diagnostiquer).
En dehors de cette méthode, aucun diagnostic n’est valable, notamment au niveau des institutions nationales
Pour le diagnostic d’un enfant : les CRA
Pour le diagnostic d’un enfant : tournez-vous vers un CRA (Centre de Ressources Autisme (- voir la section ci-dessous pour plus d’information) : ces centres sont la manière la plus simple d’obtenir un diagnostic car ils concentrent en leur sein toutes les compétences nécessaires et représentent par nature une garantie de qualité. Mais la liste d’attente peut être longue et pour celle-ci les enfants sont prioritaires.
Pour le diagnostic d’un adulte : Un psychiatre hospitalier ou indépendant
Pour les adultes, le CRA peut donc s’avérer être une impasse avec un délai d’attente de plusieurs mois, voire plusieurs années. Il convient donc de se tourner vers des psychiatres libéraux ou hospitaliers ou vers certains cabinets de psychologie – ces derniers étant uniquement habilité à établir un pré-diagnostic- mais qui pourra vous faire gagner du temps si la perspective d’un Asperger est hautement improbable. Pour paris vous pourrez trouver une liste de ressources sur cette page de l’ANCRA
Pour les régions, le mieux est de se tourner vers votre CRA de référence afin d’y obtenir des contacts de qualité.
Asperger et TDAH : attention confusion !
Souvent, les symptômes du syndrome d’Asperger sont confondus avec ceux d’autres problèmes de comportement tels que le déficit d’attention et le trouble d’hyperactivité (TDAH). En effet, beaucoup de personnes touchées par le syndrome d’Asperger sont initialement diagnostiquées avec le TDAH jusqu’à ce qu’il devienne clair que leurs difficultés proviennent plus d’une incapacité à socialiser que l’incapacité de concentrer leur attention.
Par exemple, une personne souffrant d’un syndrome d’Asperger pourrait initier des conversations avec d’autres personnes en traitant abondamment des faits liés à un sujet particulier d’intérêt. Il ou elle peut résister à discuter de quoi que ce soit d’autre et avoir de la difficulté à permettre aux autres de parler. Souvent, ils ne remarquent pas que d’autres ne sont plus à l’écoute ou ne sont pas à l’aise avec le sujet. Ils peuvent ne pas avoir la capacité de «voir les choses» du point de vue de l’autre personne.
C.R.A – A.N.C.R.A : quelles ressources pour aider les Aspies ?
L’ANCRA est l’association chapeautant les Centre de Ressources Autisme.
Elle vise principalement à :
- Soutenir les CRA dans leur développement et la mise en œuvre de leur mission
- Représenter les CRA auprès des instances nationales
- Contribuer à éclairer la politique nationale à destination des personnes autistes
- Contribuer à développer les connaissances, les études et les travaux de recherche
- Développer les savoirs et mutualiser les expériences
Les Centres de Ressources Autisme (C.R.A.) : un ensemble de professionnels pour vous aider
Les centres de ressources sont destinés à toutes personnes impactés ou s’intéressant aux Troubles du Spectre Autistiques et les Troubles Envahissants du Développement (TED) qu’ils soient enfants, parents éducateurs, professionnels…
Ces centres de ressources autismes sont animés par des équipes professionnelles et pluridisciplinaires entièrement spécialisées sur le syndrome autistique. Ils représentent à ce titre une garantie de qualité pour les actions de diagnostic mais aussi de soutien, d’information et formation et de conseils auprès des personnes ayant dans leur entourage une personne.
Ils n’assurent pas directement les soins mais les coordonnent. Ils ont un rôle d’orientation vers des ressources professionnelles de qualité. En outre, ils mettent à disposition un centre documentaire sur les TSA dans le cadre de leur mission d’information.
Pour obtenir les coordonnées des CRA de votre région vous pouvez vous référer à cette page du site de l’ANCRA.
Et après le diagnostic ? Comment aider un Asperger ?
Aide à l’expression et à la gestion émotionnelle
Les professionnels – orthophonistes notamment – s’appliqueront à soutenir les petits Aspie autour de trois axes.
- Un axe de réception : tout ce que l’enfant reçoit comme message entrant (images, paroles, textes)
- Un axe d’expression : apprendre à l’enfant à gérer ses intonations, les temps de paroles
- Un axe pragmatique : aider l’enfant à se concentrer sur l’adaptation du langage au contexte (répondre à une question)
Outre ces aspects très axés communication, un psychologue pourra accompagner l’enfant Asperger dans le développement de son affect : apprentissage de la gestion des émotions et développement d’une « intelligence émotionnelle » lui permettant de mieux saisir les subtilités liées à la vie en société
[A lire aussi : Quels liens entre Asperger et Dépression ? ]
La thérapie cognitive et comportementale comme support pour Asperger
De plus en plus les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont indiquées dans le suivi des patients asperger. En effet ce type de thérapies se concentre sur trois dimensions fondamentales qui sont justement les points critiques des personnes atteintes de TSA :
- La dimension comportementale (comment et pourquoi j’agis)
- -La dimension cognitive (ce que je crois, pense et me représente et qui influe sur mon comportement
- La dimension émotionnelle (sentiments, affects, sensations associées)
Ces TCC influent particulièrement sur ce qu’une personne pense des émotions telles que l’anxiété, la peur, la tristesse, la colère – qui sont les maux induits par le sentiment de différence nourris par bien des Aspies.
Des psychologues (citons Tony Attwood ou Isabelle Hénault) travaillent sur une adaptation des TCC spécialement au contexte Asperger ; afin de les rendre adaptées au profil émotionnel et cognitif très particulier des aspies.
Tony Attwood notamment a développé une approche en deux étapes : Education Affective puis restructuration cognitive.
Lors de l’éducation affective, le thérapeute se concentrera sur l’explication des émotions et construire avec l’enfant un lien entre pensée, réaction et émotion ; afin de l’aider à mieux se familiariser avec les comportements habituels en société. L’objectif final étant d’apprendre à l’enfant à gérer et comprendre ses émotions comme celles des tiers.
La restructuration cognitive vise elle à réadapter les croyances développées par le petit autiste afin de lui permettre de gérer ses émotions d’une manière plus productive / constructive.